Le chat et la boucle d’oreille
Ses boucles d’oreille pendantes tressautent au rythme de ses ronflements. C’est une sieste épaisse, celle des après-repas copieux. Rien ne la dérange. C’est ainsi depuis toujours: elle s’installe dans le fauteuil à oreillettes, droite comme un i, la tête bien calée, allonge ses jambes sur le repose-pieds, pose ses yeux sur la glycine qui borde la fenêtre et s’envole au pays des songes digestifs.
Je la regarde avec amusement et je compte : 1,2,3… 20 secondes : ses paupières se sont fermées. …45 secondes : sa poitrine descend, sa respiration se détend… 60 secondes: son visage sourit…2 minutes : sa tête dodeline…5 minutes : son corps glisse et s’affaisse sur le dossier… 7 minutes et 10 secondes : le cou un peu cassé, ses ronflements démarrent. C’est métronomique ; parti pour deux heures.
Mais aujourd’hui, je suis venue avec mon chat. Il s’est caché toute la matinée. Dans le calme de ce début d’après-midi, il pointe son museau dans le salon et regarde notre tableau, intrigué.
Il avance une patte, puis une autre, stupéfait par le ronronnement de cette inconnue.
Curieux, il s’aventure pour y regarder de plus près : est-elle contente ou joue-t-elle la comédie ? Un peu méfiant il s’arrête, siffle un peu, se lèche la patte avant droite, prend la pose. Rien ne bouge.
Soudain, il s’élance, saute d’un bond sur l’oreillette du fauteuil et regarde fasciné le scintillement des boucles d’oreille pendantes. D’un coup de patte preste et habile, il fait virevolter la boucle droite. Un nouveau jeu.